Interview exclusive du Président de l’ONECCA-BF dans le journal ECODAFRIK

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ENTRETIEN EXCLUSIF : 6 questions à Yacouba Traoré, Président de l’Ordre National des Experts Comptables & des Comptables Agréés du Burkina Faso

Yacouba TRAORE, Président de l'ONECCA-BF
Yacouba TRAORE, Président I ONECCA-BF

Elu le 24 octobre lors de l’Assemblée Générale de l’Ordre National des Experts Comptables et des Comptables Agréés du Burkina Faso (ONECCA-BF) et de son Conseil, à 47 ans, Yacouba Traoré dirige désormais la destinée de l’Ordre. Expert-comptable et commissaire aux comptes de fonction, il dispose à son actif de vingt-deux (22) ans d’expérience professionnelle. Etat des lieux de l’Ordre, défis du secteur, la vision et les perspectives du nouveau mandat, dans l’entretien ci-dessous accordé à ECODAFRIK, le nouveau président répond aux questions. Lisez plutôt !

Monsieur Yacouba Traoré

ECODAFRIK : Lors de l’assemblée générale de l’ONECCA-BF du 24 octobre 2020, vos consœurs et confrères vous ont porté à la tête du Conseil National de l’Ordre pour un mandat de trois (03) ans. Quelles sont vos premières impressions ?

Monsieur Yacouba Traoré(YT) : Je suis heureux, comblé et extrêmement honoré que mes consœurs et confrères m’aient à l’unanimité porté à la tête de l’Ordre et de son Conseil lors de cette Assemblée Générale historique empreint d’un passage de témoin d’une génération à une autre. Ce faisant, Ils me donnent ainsi l’opportunité infiniment appréciée de mettre en œuvre au plus haut niveau mon engagement vis-à-vis de l’Ordre et de la profession après six (6) ans passés dans le Conseil National de l’Ordre.

Quelle est l’importance d’un ordre professionnel comme l’ONECCA-BF ?

YT : L’encyclopédie mondiale libre Wikipédia définit l’ordre professionnel comme : « un organisme regroupant, sur un territoire donné, l’ensemble des membres d’une même profession, profession qui généralement peut être exercée de manière libérale, et qui assure une forme de régulation de la profession en question »

Constitué par un texte majeur de l’Etat (loi, décret, arrêté) et chargé d’une mission de service public, l’ordre professionnel est en général doté d’une personnalité morale, de droit privé et parfois de droit public. L’inscription et l’appartenance à l’ordre est dès lors une obligation et une condition nécessaire à l’exercice de la profession.

L’importance d’un ordre comme l’ONECCA BF, qui répond à la définition et aux caractéristique ci-dessus exposés, tient du fait qu’à l’instar d’autres ordres professionnels celui-ci est chargé du service public en rapport avec la qualité, la sécurité et la fiabilité de l’information comptable et financière, base de toute décision macro ou micro économique rationnelle.

L’ONECCA BF, de par son existence et ses missions, facilite et joue un rôle fondamental dans le développement économique et la croissance du Burkina Faso ainsi que celui du marché commun de l’UEMOA et notamment le marché financier régional. Il contribue par ailleurs à leur solidité, leur soutenabilité et leur résilience. L’ONECCA-BF sert ainsi l’intérêt public en contribuant à renforcer la confiance des investisseurs, en renforçant le développement économique et en améliorant le bien-être financier des citoyens.

Jouant un rôle déterminant dans la préparation, l’établissement et le contrôle de l’information financière, l’Ordre participe également à la sécurisation des relations d’affaires gage de l’accroissement des investissements et de la compétitivité du Burkina et de l’UEMOA.

L’Union, consciente de l’importance de l’information comptable et financière dans la prise de décisions rationnelles et du rôle déterminant de la profession comptable dans l’établissement et le contrôle des états financiers de synthèse, a du reste décidé d’harmoniser les dispositions nationales réglementant l’exercice de la profession à travers une directive mettant ainsi en exergue la place centrale qu’occupe ces Ordres dans notre espace économique commun.

Le Burkina Faso traverse de nombreuses crises notamment sécuritaire, sociales et sanitaire, impactant ainsi l’économie. Selon des estimations préliminaires de la Banque Mondiale, près de 500 000 personnes pourraient sombrer dans l’extrême pauvreté d’ici à la fin de 2020. Dans un tel contexte, quel rôle l’ONECCA-BF et ses membres peuvent jouer afin de réduire l’impact des différentes crises évoquées ?

YT : Des études récentes commanditées par l’IFAC ont montré que partout dans le monde, les pays économiquement prospères disposent d’organismes professionnels de comptabilité et d’audit solides et indépendants qui sont soutenus par le gouvernement et s’expriment avec confiance dans l’intérêt public.

Sur le sujet de la lutte contre la pauvreté l’Ordre et ses membres, dans la mise en œuvre de leurs missions, assurent la transparence et la fiabilité de l’information financière, améliore la gouvernance et participe à la lutte contre la corruption. Ils contribuent ainsi à rendre plus d’argent disponible, participe à une allocation transparente et correcte des ressources privées ou publiques, sources de réduction de la pauvreté. La préparation de l’information financière par les membres de l’Ordre et/ou la certification des comptes des projets par ces derniers, garantit l’utilisation des ressources publiques pour les fins prévues et rend disponible ou accroit les services publics susceptibles d’améliorer les conditions de vie des populations. Les mêmes diligences au sein des entreprises et autres entités contribue à la fiabilité de l’assiette fiscale et permet le prélèvement d’un impôt juste, source de richesses de répartition et de redistribution susceptibles de réduire la pauvreté.

Aussi, l’accroissement de notre périmètre d’intervention est un facteur de croissance économique pourvoyeuse de ressources de redistribution à même d’influer sur la courbe de la pauvreté.

L’Ordre et ses membres ont régulièrement fait parler leur cœur depuis que le pays est frappé par les insécurités en donnant des contributions pour la prise en charge des déplacés internes. Au titre des causes, les membres de l’Ordre constituent un maillon important de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le terrorisme du fait de leur rôle central dans l’économie formelle et des obligations de contrôles et de dénonciations des crimes, infractions et faits délictueux mis à leur charge par les textes y relatifs et le code d’éthique de la profession.

L’importance de l’économie informelle ne contribue évidemment pas à mettre en valeur cette dimension des missions de l’ONECCA-BF et de ses membres dans la mesure où les entités évoluant dans ce secteur sont le plus souvent exclus de notre domaine d’intervention soit de par les lois et règlements, soit de fait.

Au plan sanitaire, l’ONECCA-BF et ses membres ont collectivement et individuellement participé à la lutte contre la pandémie de la COVID-19 par des contributions directes au Ministère de la Santé (financièrement) et à des couches défavorisées (dons en nature) et par des contributions indirectes à travers la signature de conventions telles que le PARE-COVID-19 dont il est un maillon fort.

Au plan Social l’Ordre a signé une convention avec les universités Ki-Zerbo et Thomas Sankara dans le but de réviser les curricula pour rendre les enseignements en comptabilité et gestion plus pertinents et cohérents avec les besoins du marché. Il a ainsi accompagné un consortium constitué par ces deux universités et l’APIST à obtenir l’agrément pour la formation des étudiants du cursus d’expertise comptable de l’UEMOA (DESCOGEF-DECOFI) sur le territoire national permettant à nos étudiants d’économiser environ F/CFA 5 000 000 de frais d’études en comparaison avec les coûts engagés dans les études similaires effectuées à l’étranger.

L’accord avec l’université Aube Nouvelle qui exige que tous les jurys de soutenance du MSTCF soient présidés par un expert-comptable, permet de fiabiliser sur le marché de l’emploi et de maintenir la pertinence de ce diplôme, protégeant du même coup les ressources engagées par les parents dans l’éducation de leurs enfants.

Quels sont les défis les plus importants de votre mandat ?

YT : Les trois (3) défis majeurs du présent mandat portent sur les aspects suivants :

  • Exercice illégal : qui se manifeste à travers une concurrence déloyale abrupte d’un nombre de plus en plus croissant de personnes et d’entreprise pratiquant l’exercice illégal de la profession
  • Technologie : la disruption technologique menace nos métiers de base tels que l’expertise comptable et l’audit en remettant en cause des connaissances acquises de longue date à travers la formation initiale et continue et l’expérience terrain. Cette situation nous contraint à une remise en cause perpétuelle de nos savoirs et savoir-faire si nous voulons demeurer pertinents pour le marché et continuer d’assurer notre obligation de protection de l’intérêt public.
  • Talents : la formation initiale aux nouveaux métiers et la formation continue des professionnels établis dans un monde en constant changement afin de rester pertinent et efficace dans nos missions constitueront des enjeux importants.

Quelle est votre vision pour de l’ONECCA-BF pour les prochaines années ?

YT : Notre vision est de développer un Ordre :

  • durable, solide, connu et reconnu, doté d’un leadership éclairé ;
  • pertinent et adapté à son environnement ;
  • professionnel, utilisant des normes professionnel et un code d’éthique de hautes qualités et ;
  • apportant de la valeur à ses membres ;

dans le but de contribuer au développement socio-économique du peuple Burkinabé à travers une profession comptable fondée sur la confiance, l’assurance et la crédibilité.

Quel message avez-vous à lancer à l’endroit de vos confrères et du public, notamment les bénéficiaires des services qu’offrent les experts-comptables ?

YT : Dans un contexte de changement permanent et de disruption, les acteurs économiques ont besoin d’avis éclairés pour la prise de décision ; je les encourage, je les exhorte à se faire accompagner par les membres de l’Ordre, des professionnels compétents ayant en partage l’obligation de mettre l’intérêt public aux cœurs de toutes leurs diligences.  A mes consœurs et confrères, je rappelle qu’il ne saurait exister des professionnels compétents, efficaces et pertinents à leur pays sans un Ordre fort, connu et reconnu par le marché, les autorités et les autres parties prenantes et vice-versa. Aussi, je les invite à l’union sacrée autour de nos valeurs fondées sur l’éthique professionnelle et à redoubler d’ardeur pour acquérir et/ou développer et maintenir les compétences nécessaires à la fourniture de services de haute qualité ainsi que la protection de l’intérêt public.

Entretien réalisé par Balguissa Sawadogo

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